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Conseil des Prud'hommes : les contentieux en hausse avec la crise

Les Conseils de Prud'hommes enregistrent une hausse des contentieux avec la crise. Après cinq années de baisse consécutives, le nombre de recours devant les conseils des prud'hommes est reparti à la hausse. Selon les chiffres récemment rendus publics par le ministère de la justice, un peu plus de 202 000 affaires nouvelles (au fond comme en référé) ont été portées devant ces juridictions en 2008, contre près de 193 000 l'année précédente, soit un accroissement de 4,8 %. Les litiges entre salariés et employeurs n'atteignent pas le niveau relevé en 2002 (un peu plus de 225 000). Mais le rebond de 2008 semble refléter une dégradation des relations sociales dans les entreprises, imputable - pour partie - à la crise.
"L'activité prud'homale réagit à la situation de l'emploi", souligne-t-on à la direction générale du travail. Cette relation de cause à effet tient au fait que les conseils des prud'hommes sont devenus, pour l'essentiel, "des juges du licenciement". Aujourd'hui, dans huit cas sur dix, ils sont saisis par des salariés à la suite d'une rupture du contrat de travail (ce ratio n'était que de 50 % au début des années 1990).
Il paraît donc logique que les affaires nouvelles soient en progression, compte tenu de l'augmentation du nombre de licenciements qui s'est produite à partir de 2008 (+ 15,8 % entre décembre 2007 et décembre 2008, pour l'ensemble des licenciements - économiques ou liés à un autre motif -, d'après les chiffres de Pôle emploi).

Pas homogène

Toutefois, les évolutions ne sont pas homogènes d'un territoire à un autre. Bien qu'il soit situé en Seine-Maritime, département durement touché par les restructurations industrielles - notamment dans la filière automobile -, le conseil des prud'hommes de Rouen n'a pas enregistré un afflux de demandes supplémentaires, d'après une conseillère prud'homale désireuse de garder l'anonymat. Selon elle, il est possible que "les gros plans de licenciement ne donnent pas lieu à beaucoup de contestations", pour peu que les salariés concernés aient obtenu des indemnités de départ, à leurs yeux, suffisantes. Conseiller prud'homal (CGPME) à Nantes, Ludovic Foezon fait, lui aussi, état d'une relative stabilité des contentieux soumis à la section chargée du secteur du commerce où il siège.

Certaines juridictions ont connu un surcroît d'activité à la suite de requêtes en série introduites par les salariés d'une même entreprise. C'est notamment le cas à Paris avec deux grosses affaires, rapporte Gilles Soetemondt, conseiller prud'homal (CFDT) : l'une, qui concerne EDF, GDF-Suez ainsi que leurs deux filiales de distribution, s'est traduite par le dépôt, en 2008, de plusieurs milliers de demandes dans un litige relatif à l'application du statut des industries électriques et gazières ; l'autre dossier vise la Comilog, propriété du groupe Eramet, et porte, selon M. Soetemondt, sur "plus de 800 demandes" liées au congédiement de cheminots congolais dans les années 1990.

Sur la période récente, certaines formes de litiges semblent revenir de plus en plus fréquemment. Exemple : le licenciement pour faute grave. Moins lourde et plus rapide que le licenciement économique, cette procédure dispense les entreprises de verser des indemnités de licenciement et de préavis. Un nombre croissant d'employeurs y ont recours pour se séparer de salariés, même si les faits à l'origine de la rupture ne méritaient pas une sanction aussi lourde, affirme Françoise Maréchal, conseillère prud'homale (CGT) à Amiens. Cette pratique touche tout particulièrement les cadres et donne lieu à de nombreuses contestations, d'après Jacques Studer, conseiller prud'homal (CFE-CGC) à Lyon, dans la section encadrement : dans trois situations sur quatre, ajoute-t-il, le salarié obtient gain de cause au moins sur une partie de sa demande.

Autre contentieux qui monte en puissance, aux yeux de Laurence Gautier, conseillère (représentant les employeurs) et présidente des prud'hommes de Bordeaux : "la prise d'acte de la rupture ". Dans cette procédure, le salarié met fin au contrat de travail en alléguant une faute de l'employeur, explique Mme Gautier (par exemple le non-paiement d'heures supplémentaires ou des retards dans le versement de la paye). Si sa démarche est "validée par les prud'hommes", il peut percevoir des indemnités de licenciement et des dommages-intérêts, précise Mme Gautier.

L'augmentation des litiges semble se poursuivre cette année et même s'accélérer dans plusieurs juridictions. A Orléans, elle atteint environ 10 % sur les neuf premiers mois de 2009 comparés à la même période de 2008, d'après Serge Blotin, conseiller prud'homal (FO). La progression est similaire au conseil des prud'hommes de Nice. Son président, Yves Rosolin (représentant les employeurs), indique même que "la hausse aurait pu être plus importante" si "la rupture conventionnelle" du contrat de travail n'avait pas existé. Mis en place en 2008, ce dispositif permet à un chef d'entreprise et à un salarié de se séparer sur la base d'un commun accord.
Source : Le Monde du 4 novembre 2009 / http://www.lemonde.fr/la-crise-financiere/article/2009/11/04/la-crise-dope-les-recours-devant-les-prud-hommes_1262613_1101386.html

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